L’Histoire des histoires (1)
Le cerveau est une chose plastique
- Chaque cerveau fonctionne différemment.
- Il est configuré pour répondre à nos besoins spécifiques.
On pourrait penser que le cerveau et l’une de ses principales productions, l’activité cognitive – la fabrication des pensées – sont ce qu’ils sont et qu’ils fonctionnent de la même manière pour tout le monde. Rien n’est plus faux. A l’instar des ordinateurs, lorsque nous naissons notre organe est vierge (ou presque) de toute information et susceptible d’être programmé (via des ensembles de connexions synaptiques) d’une infinité de manières.
C’est d’ailleurs ce qu’il se passe pour notre programmation « fine » : chaque cerveau humain est distinct et affiche une identité propre, comme les empreintes de doigts. Notre fiche signalétique cognitive est le fruit de nombreuses influences : l’héritage génétique, la culture, l’éducation, nos croyances…
Mais il suffit de se pencher sur le cas des individus à haut potentiel atteint du syndrome d’Asperger – une forme d’autisme léger – pour comprendre que le cerveau peut se connecter a contrario de ce qui se passe habituellement. Sans rentrer dans les détails cliniques de cette « différence », l’autiste Asperger peut être amené à « tricoter » son cerveau autrement afin de pouvoir mémoriser une quantité phénoménale d’informations (ce qu’un individu lambda est incapable de faire) : c’est sans doute pour lui une stratégie de survie qui répond le mieux à sa vision des choses. De la même manière, l’apprentissage d’une simple langue étrangère nous apprend combien la « vision du monde » est différente de l’autre côté d’une frontière, et comment elle finit – à l’instar de toutes les croyances – par orienter, définir, programmer notre matière grise et nos comportements d’une certaine manière, plutôt qu’une autre.
En tant qu’espèce toutefois, l’être humain a fait le choix d’une programmation, d’un langage ou encore d’une « lecture » particulière du monde qui l’environne : la narration.
L’Histoire des histoires (2)
Notre civilisation a choisi son langage : la narration
- Pour survivre, l’animal humain a dû s’organiser.
- Se raconter la même histoire permet de marcher dans le même sens.
Pour assurer sa survie dans un environnement qui lui était défavorable, pour s’extirper de la chaîne alimentaire et se placer à sa tête, l’être humain en général a, comme n’importe quel animal, mis en place une stratégie qui garantisse sa pérennité celle du nombre. Face à la vie sauvage, seule la collectivité pouvait permettre l’avènement d’une existence plus clémente.
Il a fallu expérimenter, apprendre et transmettre les bonnes pratiques. S’organiser et mettre en place des « systèmes ». Elaborer des nomenclatures et une langue de plus en plus précise pour véhiculer des informations toujours plus subtiles. Mais surtout, nous devions faire en sorte que les individus respectent les règles et s’engagent entièrement dans la vie du groupe. Et pour cela, il fallait raconter des histoires, les faire circuler et y faire croire. Le drapeau, la Nation, la frontière. La Constitution, la Bible, les contrats. Les GAFA, mon passé, mon présent, ce que je me raconte. Les livres d’Histoire, les dernières théories scientifiques, etc.
Nous sommes à l’affût de tout ce qui fait sens pour nous donner envie de nous lever le matin, pour comprendre notre environnement et en faire quelque chose d’utile à notre existence, ou tout simplement pour être bien dans notre peau. Et ce qui fait « sens » est par nature mobile et orienté. Il y a un début, un milieu et une fin. Une direction dans laquelle on décide de s’engager. Une histoire qui résonne en soi et dans laquelle on s’enrôle.
La narration est un langage qui a sculpté notre cerveau. Et c’est aujourd’hui le meilleur langage qu’il connaisse pour appréhender le monde.
L’Histoire des histoires (3)
Utiliser des histoires dans nos présentations : ça veut dire quoi ?
- Le “storytelling” ne se résume pas à l’utilisation d’anecdotes.
- Une présentation – dans sa totalité – est une histoire.
Mais à l’échelle d’une présentation, raconter des histoires, qu’est-ce que cela signifie ? Insérer des anecdotes personnelles ici et là ? Illustrer son propos par des exemples imagés ? Utiliser des métaphores parlantes ou des situations similaires vécues ailleurs ? Oui, mais pas seulement.
C’est la présentation dans son intégralité qu’il faut concevoir comme une narration. C’est une accroche destinée à susciter l’intérêt, une introduction qui traite directement des préoccupations de l’auditoire, un développement qui s’occupe de faire faire un voyage émotionnel à celui qui écoute – pour le mener d’un état défavorable vers un état favorable, une conclusion qui amène de la clarté dans le message avec lequel il quitte la salle et surtout un épilogue, c’est-à-dire un objectif d’action que tous les arguments de la présentation doivent servir (pour mémoire, l’épilogue ne figure pas dans le script mais doit servir de balise permanente durant sa rédaction).
Chaque élément de ce discours doit être « sculpté » comme le rouage d’une narration globale, comme la partie d’une argumentation générale qui crée un sens pour son public, qui fait écho à ses propres objectifs et achève de le convaincre de s’enrôler dans l’action préconisée, pour son plus grand bénéfice.
Une présentation est une grande histoire qui intègre plusieurs petites histoires de formats différents (anecdotes, exemples, images, métaphores…). Et chacune de ses petites histoires doivent provoquer des petits pas psychologiques… qui mèneront au grand saut dans l’action.
L’histoire des histoires – Sources :
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_d%27Asperger
- Yuval Noah Harari, Sapiens : une brève histoire de l’humanité, Albin Michel 2015.
- Nancy Huston, L’Espèce fabulatrice, Babel, Actes Sud, 2008.